12 Mai Le Croz, les Tirans, un projet d’aménagement vitiforestier
Les Croz est une parcelle située sur les coteaux calcaires de l’est du vignoble de l’AOC Reuilly, représentant la frontière ouest du lit majeur de l’Arnon. L’unité cartographique de sol est décrite comme faisant partie des « interfluves et versants céréaliers, développés sur les marnes du Kimméridgien, surtout des sols argilo-calcaires, profonds, au nord de la Champagne Berrichonne » (Source : Référentiel Régional Pédologique du département de l’Indre, Chambre d’agriculture de l’Indre).
La parcelle est en cours de plantation en vignes. Nous avons choisi d’y planter du Sauvignon blanc et du Pinot noir. Cependant, nous avions également envie de planter autre chose que de la vigne… La présence de plusieurs bosquets en haut et en contrebas du coteau nous donne envie de les relier… Très certainement sous l’influence des réflexions collectives menées depuis quelques années au sein de nos AOC.
Ce projet vitiforestier s’inscrit de fait dans une démarche de territoire menée avec les vignerons des AOP de Quincy et de Reuilly intégrant des objectifs de valorisation identitaire et paysagère, de prise en compte et de renforcement de la biodiversité utile au vignoble et de lutte contre le gel. Ces différents objectifs sont notamment traités à travers l’intégration de l’arbre, dans une approche de vitiforesterie. Cette démarche collective est reconnue comme une Filière Locale Territorialisée et soutenue par le Conseil régional en tant que telle. La parcelle est également contenue dans le territoire du contrat territorial Concert’eau, visant la protection qualitative et quantitative de la ressource en eau.
En contrebas du coteau, face nord-est, nous avons fait creuser une mare. La terre extraite a été utilisée pour diminuer l’inclinaison de la pente du côté sud-ouest. Cela permettra au tractoriste, une fois arrivé au bout de la ligne de vignes, de faire demi-tour en toute sécurité en milieu de pente, au lieu de devoir descendre tout au fond pour tout remonter.
C’est un coteau très escarpé !
Cela évitera également le ruissellement trop important des eaux de pluie et le risque d’érosion qui entraîne une dégradation de la structure du sol et la perte de nutriments, précieux pour les végétaux.
Plusieurs essences d’arbres, isolés, vont se répartir dans la zone humide : saule blanc, aulne glutineux, frêne commun, cèdre du Liban, frêne à feuilles étroites, saule cendré. Les noyers communs seront eux plantés en alignement.
La haie arbustive en haut du coteau se compose de plusieurs essences réparties sur 3 strates :
- Les buissonnants : nerprun purgatif, buis, églantier, viorne lantane, cornouiller sanguin, fusain d’Europe, troène commun
- Les petits arbustes : néflier, noisetier (coudrier), sureau noir, saule marsault
- Les grands arbustes : érable champêtre, charme commun.
Outre la plantation de vignes en AOC sur le coteau, le projet inclut également d’aménager sur la face sud-est, des carrés de vignes anciennes ou modernes résistantes, qui seront encadrées par des haies basses rognées à 2 strates :
- Les buissonnants : viorne lantane, cornouiller sanguin, framboisier, troène commun, cassis, groseillier rouge et maquereau.
- Les grands arbustes : érable champêtre, charme commun.
En bout de rangs des vignes plantées en AOC, nous avons prévu des plantes mellifères pour attirer les pollinisateurs, comme la lavande, le romarin, le rosier à fleurs ouvertes, l’immortelle, ou encore des plantes comme la tanaisie qui possède des propriétés insectifuges et fongicides naturelles.
En plantant ces linéaires de haies, ces arbres isolés et ces plantes, nous espérons renforcer le maillage écologique du site et ainsi favoriser la biodiversité et la présence d’auxiliaires qui s’attaquent aux prédateurs de la vigne (c’est la lutte biologique). A titre d’exemple, les coccinelles qui consomment les pucerons, acariens et cochenilles, hivernent et se réfugient entre autres dans les noisetiers, frênes et charmes. Les chrysopes trouvent également refuge dans les sureaux et églantiers, et il s’agit de fidèles alliés contre les cicadelles vertes (qui pondent et piquent dans les feuilles, entraînant une perte de rendement, des difficultés d’aoûtement et une perte potentielle du taux de sucre et d’alcool, donc de qualité du vin). Nous avons privilégié les essences locales adaptées au sol et au climat, qui nous ont été recommandées dans le rapport d’étude Flor’Insectes menée en 2021 dans les vignobles des AOC de Quincy et de Reuilly par Johanna Villenave-Chasset (déjà citée dans notre précédent article), ainsi que par le conseiller en agroforesterie de la Chambre d’Agriculture du Cher.
« La disparition d’une seule espèce végétale peut entraîner à elle seule l’extinction de trente espèces animales. L’énergie produite et emmagasinée par les plantes est source de nourriture pour les animaux. » (citation d’Alain Malard, Vignes, vins et permaculture, p. 35)
Mais pas que ! Les arbres et arbustes servent de refuge, de corridor, de site de repos et d’hivernage… et sans doute encore beaucoup d’autres choses que nous ne discernons pas…
En juillet 2022, lors d’une des journées les plus chaudes de cet été torride, Johanna forme les vignerons sur le terrain du Croz.
Et pour pouvoir profiter pleinement, le projet comprend également un itinéraire de promenade dans la vigne et un belvédère boisé sur un beau point de vue. Un chemin de randonnée va être aménagé le long de la vigne, traversant un petit bois, sur le coteau est, et remontant à travers la vigne, longeant le sommet de coteau.
Si vous vous aventurez dans le bois du bas, vous tomberez peut-être sur cette fontaine aménagée vers 1880 par un ingénieur de la ville de Reuilly au profit des vignerons qui travaillaient dans le vallon des Tirans.
Au repos au milieu d’un belvédère boisé de cèdres donnera à voir la succession des coteaux de Reuilly, le vallon des Tirans et la vallée de l’Arnon !
Le beau et le bon s’acheminent de concert, et participent de l’esthétique d’un vignoble de qualité !
Bonnes balades !
